Gazette des armes, février 2002

Faut-il modifier la directive <I>armes</I>

jeudi 3 janvier 2008, par Jean-Jacques BUIGNE membre du CA de la FPVA

Durant l’année 2001, les lecteurs de la Gazette ont suivi au fil des numéros l’évolution possible de la Directive Arme et le Protocole de Vienne. Mais à propos, quel impact l’un a-t-il sur l’autre ?

Une longue gestation

Après 5 années de négociations difficiles, la Directive 91/477 dite Directive sur les Armes a été votée par le Parlement européen le 9 juin 1991.
Tout en harmonisant le régime des armes dans l’Union, elle reflète et respecte les législations nationales en matière de commerce et de possession d’armes. Cela en vertu du principe de subsidiarité. Elle instaure une "carte européenne d’arme à feu" assurant la libre circulation des chasseurs et des tireurs sportifs avec leurs armes dans la Communauté et remplace le système des licences d’exportation et d’importation par un contrôle des transferts intra-communautaires.
La Directive ne traite pas du Commerce International en l’absence d’une politique communautaire à l’exportation qui pourtant s’ébauche avec un code de bonne conduite lié à l’expérience des différents conflits.
Bien qu’elle ne soit pas parfaite, il est admis qu’elle fonctionne. Depuis 8 ans elle est en application. Les problèmes rencontrés ne se sont pas révélés structurels mais sont la conséquence d’une mauvaise application due à :

  • un défaut de communication,
  • une procédure inadéquate d’échange d’informations entre les Etats membres,
  • et surtout d’un manque de compréhension mutuelle.

Changer la Directive ?

Tout le monde n’est pas de cet avis. Certains considèrent que le principe de subsidiarité ne devrait pas s’appliquer en matière d’armes, et que certaines prescriptions devraient faire l’objet d’injonctions (une seule réglementation pour toute l’Europe.) Les collectionneurs, considérés comme des citoyens ordinaires, s’estiment léser, mais ils sont divisés : La FESAC veut profiter d’un changement de directive pour améliorer les législations nationales trop restrictives de certains pays membres. Les collectionneurs français et Belges pour leur part, trouvent la directive satisfaisante et ne veulent pas la changer.

S’il y a une demande pour une révision de la Directive, celle-ci ne provient pas non plus du secteur de l’armurerie (fabricants ou détaillants) qui a besoin de stabilité pour ses activités. Elle provient de ceux qui n’ont pas compris qu’il suffit de faire fonctionner ce qui existe plutôt que de créer quelque chose de nouveau. Dans le climat qui règne dans le domaine des armes, on ne sait jamais ce qui peut nous tomber sur la tête.
Dans la réalité on constate que, certains experts nationaux qui représentent les pays de l’Union dans les séances de travail avec la Commission, sont favorables à une modification de la Directive. Cela leur permettrait d’utiliser celle-ci pour faire passer des modifications restrictives encore plus importantes dans leur propre pays. Cela tient de la manipulation !

Un protocole qui bouscule les données !

Deux évènements extérieurs sont en train de modifier la situation : d’une part, la "Convention pour la lutte contre la criminalité organisée" des Nations Unies, et d’autre part le « Plan d’action des Nations Unies contre la prolifération des armes légères, » résultat de la Conférence qui s’est tenue à New York en juillet 2001.
La "Convention pour la lutte contre la criminalité organisée" est un document juridique dès à présent ouvert à la signature. Trois protocoles y sont rattachés : sur le blanchiment d’argent, sur le trafic d’humains et sur le trafic d’armes, ce dernier étant connu sous le nom de protocole de Vienne.

L’Union européenne qui en a suivi les travaux est maintenant mandatée par les Etats membres pour le signer.
Le Protocole de Vienne prescrit des mesures destinées à éviter que des armes ne puissent tomber entre des mains criminelles et qui, en pratique, consistent à organiser « la tracabilité » des armes afin d’en assurer le suivi pour faciliter la recherche et remonter à la source.
Ces mesures consistent-en :

  • un marquage adéquat,
  • l’enregistrement des mouvements,
  • le contrôle de la possession. Elles prévoient également la mise sur pied d’un système de contrôle des exportations et des importations.

Les mesures concernant le marquage et la tenue de registres sont déjà de pratique courante dans l’Union européenne. Le commerce international est soumis à licence et à un contrôle douanier. Il ne devrait pas y avoir de difficultés insurmontables pour la mise en pratique de ces prescriptions.
A l’image de la législation américaine et reprenant une prescription de la convention OAS (Organization of American States), le Protocole prévoit de plus un marquage à l’importation

Les mesures concernant le marquage et la tenue de registres sont déjà de pratique courante dans l’Union européenne. Le commerce international est soumis à licence et à un contrôle douanier. Il ne devrait pas y avoir de difficultés insurmontables pour la mise en pratique de ces prescriptions.
A l’image de la législation américaine et reprenant une prescription de la convention OAS (Organization of American States), le Protocole prévoit de plus un marquage à l’importation. Les contraintes techniques que cette mesure impose doivent faire l’objet d’un examen approfondi. Si apparemment une solution peut être trouvée dans les pays disposant d’un Banc d’Epreuve, qu’en sera-t-il dans les autres ? Va-t-on estampiller une pièce de collection rare ?

Si cette pratique est compréhensible pour les armes modernes produites en grande quantité, elle apparaît comme démesurée pour des modèles produits en petite quantité et iconoclaste pour des armes de luxe constituant des exemplaires uniques. Penserait-on à marquer des tableaux ou des sculptures en raison de leur passage d’un pays à un autre occasionné par leur vente ? D’autant plus que les armes collectionnables ne sont pas celles que l’on retrouve au coeur des problèmes d’insécurité. Il serait dommage de faire un amalgame entre une Kalachnikov et un fusil de chasse de marque prestigieuse, ceci au nom de la facilité et de la démagogie. Les armes qui seront soumises à ce suivi sont celles qui ont été fabriquées après 1900. Si les armes de collection fabriquées antérieurement à cette date ne sont soumises à aucun contrôle de mouvement [1], il faut penser que les armes concernées ont déjà un siècle d’ancienneté et appartiennent, après cent ans, au patrimoine armurier. C’est pourquoi les collectionneurs protestent vigoureusement contre cette mesure.

Les armes sur la sellette

La Commission a prévu un calendrier de réunions de travail avec les associations du secteur afin d’examiner les modalités pratiques de l’application du Protocole de Vienne. Plusieurs DG (Direction Générale) sont concernées, mais il semble que ce soit la DG-JAI (Justice et Affaires Intérieures) qui prendra le contrôle des opérations.

Malheureusement, on constate que dans tous les pays, il y a une volonté politique de renforcer le régime des armes. L’arsenal législatif des états de l’Union est déjà fort développé et apparemment un des plus avancé dans le monde. Des contraintes supplémentaires n’affecteront que les citoyens qui peuvent légitimement posséder des armes, les trafiquants de toutes sortes passeront comme par le passé, entre les mailles du filet. On peut quand même espérer que l’exploitation informatique des données existantes contribuera à améliorer la lutte contre la criminalité organisée, utilisatrice d’armes de guerre les plus modernes.

Ainsi les éléments sont réunis pour provoquer la modification de la Directive avec le risque de perturber l’équilibre d’un texte résultant de 5 années de travail et de remettre en cause la souveraineté des Etats membres en matière de sécurité publique.
Il est indispensable de rechercher une formule de transposition du Protocole de Vienne qui ne remette pas en cause les acquis et respecte les traditions nationales.

Le « Plan d’Action de lutte contre la prolifération d’armes légères » résultant de la Conférence de New York est mis en pratique d’une façon volontaire par l’Union européenne qui effectue un contrôle plus strict des transactions internationales en équipements militaires mais aussi par le financement d’opérations de récupération et de destruction d’armes dans les pays déstabilisés.

Si nous (collectionneur, chasseurs, tireurs, armuriers ou fabricants) soutenons moralement ces initiatives, nous ne pouvons accepter qu’une grande partie des armes à destination civile soit considérée comme matériel de guerre. La pression de certaines ONG, qui participent à ces travaux, vise à une éradication totale de la possession d’armes par des civils ou tout au moins à un contrôle strict de leur possession quelles que soient les traditions nationales. Comme nous le savons, cette vision angélique du zéro arme ne résoudra pas les problèmes de la prolifération d’armes de guerre dans certains milieux ou règne le non-droit. Dans le même état d’esprit, pourquoi ne pas interdire à tous les citoyens la possession d’automobile pour répondre au problème des rodéos nocturnes dans les cités ou réglementer la vente des cutters pour empêcher les détournements d’avion par quelques terroristes ? A force de viser large pour essayer de résoudre des problèmes bien précis que l’on se refuse à nommer, on en vient à limiter les libertés du plus grand nombre. Ceci sans aucune amélioration d’ailleurs puisque l’on sait, par, définition que les hors la loi ne respectent pas les lois.

Vouloir prohiber toutes les armes ne peut toucher que les honnêtes citoyens. C’est inacceptable.

Les armes sur la sellette On constate que dans tous les pays, il y a une volonté politique de renforcer le régime des armes. Un calendrier de travail est prévu avec les associations.


[1Dans de nombreux pays il existe un contrôle à l’importation pour la détermination de la catégorie. Pour la France, c’est l’ETBS de Bourgequi effectue ce contrôle, celui de la Belgique est effectué par le banc d’épreuve.