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Gazette des armes, février 2010 n° 417

La détention d’une arme de défense, est-elle un droit ?

samedi 9 janvier 2010, par Jean-Jacques BUIGNE membre du CA de la FPVA


La détention des armes de B catégorie au titre de la défense s’est réduite comme une peau de chagrin. Et même les détenteurs qui possédaient une arme depuis 40 ans ou qui avaient eu une profession exposée comme magistrat ou policier, ont été obligés de rendre leurs armes.
Il nous a semblé important de faire le point de ce problème.


Le décret de 2005 a supprimé la possibilité d’accorder des autorisations d’acquisition et de détention d’arme au titre de la défense personnelle prévue jusqu’alors à l’article 31 en limitant cette autorisation au seul cas de la défense liée à une activité professionnelle effective.
Toutefois, un décret de 2007 avait rouvert la possibilité d’acquérir et détenir une arme au titre de la défense personnelle en instaurant une différence de traitement entre les personnes titulaires, à la date du 30 novembre 2005, d’une autorisation de détention d’arme au titre de la défense personnelle et celles qui ne bénéficiaient pas d’une telle autorisation, seules les premières pouvant obtenir ladite autorisation.

Motif professionnel

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Le bijoutier est le risque professionnel typique.

Pointant la rupture d’égalité entre les citoyens, le Conseil d’Etat annule ce décret. [1] Pour faire suite à cette annulation, le ministère de l’intérieur revient à la situation antérieure à 2007, mais postérieure à 2005, en retirant toutes les autorisations de détention et d’acquisition délivrées au titre de la défense dès lors qu’un motif professionnel n’est pas invoqué et établi. Cette circulaire fait ainsi abstraction des raisons ayant motivé la décision rendue par le Conseil d’État, alors même que les motifs qui avaient conduit à la rédaction du décret remis en question existent toujours. Notamment, la sécurité personnelle des personnes toujours exposées à des risques sérieux en raison de leur ancienne activité professionnelle ou encore, de personnes particulièrement vulnérables en raison de leur situation géographique ou personnelle.

Aussi aujourd’hui, de nombreuses voix demandent que soit ajouté au décret de 1995 un second alinéa qui préciserait que " peuvent être autorisé à acquérir une arme des première ou quatrième catégorie, les personnes majeures à raison d’une seule arme pour leur domicile principal. Toutefois, dans le cas où elles ont un local professionnel distinct de ce domicile ou une résidence secondaire, une autorisation peut leur être accordée pour une seconde arme ".

Un droit fondamental

En effet, le retrait de la possibilité d’avoir une arme à son domicile pour assurer la légitime défense de sa vie constitue une atteinte au droit des citoyens à la liberté, à la sûreté et à la sécurité prévu par les traités internationaux ratifiés par la France. Dans une Convention
 [2] il est précisé que : “La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans le cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire : pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ". Plus loin elle précise [3]
 : " Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté ".
En droit interne, la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen précise [4] que " Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ".

Il y a aussi la loi de 1995 qui affirme que " La sécurité est un droit fondamental. Elle est une condition de l’exercice des libertés et de la réduction des inégalités. A ce titre, elle est un devoir de l’Etat (…) qui associe (…) d’autres personnes morales ou privées (…) pouvant concourir à (…) son élaboration et à (…) sa mise en oeuvre ".

Il y a enfin le Code Pénal [5] qui dispose que chaque citoyen peut face à une atteinte injustifiée qui menace lui même, autrui ou un bien, accomplir un acte proportionné qui est commandé par la nécessité de la légitime défense. Ce principe était même encore plus appuyé dans la rédaction antérieure de l’ancien Code Pénal où il fut longtemps considéré comme constituant une preuve irréfragable.

La police n’apporte que son concours

Ainsi, en présence d’un danger grave et imminent, ces articles du Code Pénal reconnaissent notamment au citoyen, le droit de se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. Ce droit est, d’ailleurs, extrêmement utile pour les citoyens qui sont attaqués à leur domicile en l’absence des forces de l’ordre. A cet égard, il convient de remarquer que selon le code de déontologie de la Police Nationale, celle-ci n’apporte que son " concours " au maintien de la paix, de l’ordre public et à la protection des personnes et des biens. [6]

Toutefois, en interdisant aux particuliers la possibilité d’acquérir et de détenir une arme de 4ème catégorie pour leur sécurité personnelle, la règlementation française prive les citoyens de leur droit à la légitime défense et à la sécurité en leur retirant la possibilité de réagir de façon proportionnée à une attaque d’un délinquant munis d’une arme à feu. En effet, si l’interdiction du port d’arme dans les lieux publics peut être compréhensible en raison des nécessités de l’ordre public, il convient de constater que l’interdiction de leur détention au domicile des citoyens est contraire au droit à la légitime défense et à la sécurité en ce qu’elle est susceptible d’empêcher une réponse proportionnée à l’attaque subie.

Il faut ajouter qu’en procédant à une telle interdiction générale, la règlementation française sur les armes contrevient au devoir d’assistance à personne en danger face à un délinquant armé. Or le Code Pénal punit sévèrement l’entrave aux mesures d’assistance et l’omission de porter secours. Dès lors, non seulement la règlementation française sur les armes est contraire au principe même d’égalité de traitement entre les citoyens et du droit de chaque citoyen d’assurer la légitime défense et la sécurité des personnes et des biens, mais encore, elle fait potentiellement de certains d’entre eux des délinquants par omission.

Par ailleurs, en interdisant aux particuliers, la détention d’une arme de 4ème catégorie à leur domicile pour assurer leur sécurité personnelle, cette mesure constitue une atteinte au droit du citoyen au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile prévu par le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et par la Convention Européennes de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales,
 [7] confirmé par la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne. En effet, en retirant aux particuliers la possibilité de détenir une arme pour assurer leur sécurité personnelle à leur domicile, le texte porte atteinte au principe de l’inviolabilité du domicile reconnu comme un principe général du droit depuis la révolution. [8]

Respect et considération

Les honnêtes citoyens, émanation du peuple souverain, attendent donc plus de considération de ceux qui les dirigent, en rétablissant clairement leur droit fondamental d’avoir une arme à leur domicile au titre de la défense personnelle, afin qu’ils puissent concourir eux aussi à la sécurité en assurant leur légitime défense en l’absence des forces de l’ordre.






[1arrêt n° 305300 du 17 décembre 2008 annulant le b) de l’art 1er du décret du 7 mars 2007,

[2Art 17 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et Art 8 de la Convention, Européennes de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales,

[3Art 5 de la convention,

[4article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789,

[6Art 1er du décret n°86-592 du 18 mars 1986 créant le code de déontologie de la Police Nationale,

[7Art 17 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et Art 8 de la Convention, Européennes de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés,

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