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Une définition militaire du matériel de collection

mercredi 29 mai 2019, par Vice président FPVA


En droit interne, la reconnaissance de la notion de matériels de collection d’origine militaire (véhicules, navires, aéronefs, matériels de transmission et de protection contre les gaz, …) a été plus que difficile.


En effet, bien que jusqu’à la publication de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure, l’acquisition et la détention de matériels de 2ème et 3ème catégorie étaient libres en France, non seulement l’ordonnance n°58-917 du 7 octobre 1958 modifiant l’article 15 du décret-loi du 18 avril 1939 était venue interdire l’acquisition et la détention des matériels des 1ère et 4ème catégories, mais encore, une disposition illégale de l’article 23 du décret n°95-589 du 6 mai 1995, avait interdit l’acquisition et la détention des « quatre premières catégories » .

Dès lors, puisque dans la hiérarchie des normes juridiques, en partant du plus haut, il y a d’abord le Traité, la Constitution, la Loi, le Décret en Conseil d’Etat, le Décret simple, l’Arrêté et la circulaire, l’administration se trompait lorsqu’elle indiquait aux collectionneurs qu’aucun cadre juridique ne leur permettait jusqu’en 2003 de détenir légalement des matériels de 2ème catégorie.

L’action énergique d’une Fédération représentant spécifiquement les collectionneurs du patrimoine militaire était donc indispensable pour garantir leurs droits et permettre la préservation de notre patrimoine pour les générations futures. L’action de la FPVA s’est inscrite dans cette logique en défendant et négociant, pas à pas, les textes applicables à tous les collectionneurs du patrimoine d’origine militaire.

En effet, bien que la notion de matériel de collection d’origine militaire ait fait l’objet d’un vaste débat dans le cadre des travaux parlementaires relatifs à l’adoption de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 dite « sur la sécurité intérieure » votée en procédure d’urgence, celle-ci est longtemps restée incomplète. En ce sens, pas moins de six amendements ont été déposés à l’Assemblée Nationale sur cette notion. Le premier d’entre eux, l’amendement n°365 de Monsieur F. Marlin, précisait d’ailleurs l’ensemble des notions de collection, d’ancienneté requise, de démilitarisation et de neutralisation. Or, après discussion, ce fut l’amendement n°446 présenté conjointement par le rapporteur de la loi Monsieur C. Estrosi et par Monsieur F. Marlin qui a été voté. Son texte, repris à l’article 15 a) du décret du 18 avril 1939, disposait que « pour les besoins autres que ceux de la défense nationale, les collectivités locales et les organismes d’intérêt général ou à vocation culturelle, historique ou scientifique peuvent être autorisés à acquérir et à détenir des matériels des 2èmeet 3ème catégories. Il fixe également les conditions dans lesquelles certains matériels de 2èmecatégorie peuvent être acquis et détenus à fin de collection par des personnes physiques » .

L’exposé des motifs de cet amendement est d’ailleurs particulièrement intéressant en ce qu’il précise que « de nombreux particuliers contribuent à la préservation du patrimoine et à la conservation de matériels présentant un intérêt historique indéniable. Cet amendement leur permet de poursuivre cette action. Il prévoit explicitement un encadrement réglementaire, qui pourrait prévoir, par exemple, une déclaration obligatoire de ces matériels en préfecture. Il devra également définir la notion de matériels de collection et les conditions de leur démilitarisation » .

Lors du débat oral de la 1ère séance du jeudi 23 janvier 2003 portant sur le contenu de l’article 30 du projet de loi (futur article 80 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003), Monsieur Jean-Christophe Lagarde devait ajouter « je voudrais être sûr que le nouveau dispositif ne nous empêchera pas d’aller admirer des avions de la seconde guerre mondiale au salon aéronautique du Bourget ou de voir défiler des véhicules de collection lors de telle ou telle cérémonie patriotique » . Or, le Ministre de l’Intérieur, Monsieur Nicolas SARKOZY, répondait alors « je voudrais dire à M. Lagarde comme à M. Marlin que, bien évidemment, nous n’entendons pas empêcher les collectionneurs privés de s’adonner à leur passion. Nous les avions omis, mais un amendement devrait réparer cet oubli ».

Par la suite, plusieurs réponses ministérielles ont clairement indiquées que le décret d’application de cette loi recouvrirait la notion de « Patrimoine Militaire » et permettrait sa mise en valeur [1].

Malheureusement, le décret n°2005-1463 du 23 novembre 2005, prit en application de l’article 80 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 et venant modifier le décret n°95-589 du 6 mai 1995 relatif à l’application du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions, n’a pas fait le nécessaire.

Ainsi, le 28 novembre 2005, lors du vote de la loi n°2005-1550 du 12 décembre 2005 ratifiant l’ordonnance n°2004-1374 du 20 décembre 2004 « relative à la partie législative du Code de la Défense », le rapporteur de la loi, Monsieur François VANNSON, devait préciser pour les collectionneurs de matériels d’origine militaire : « on voit mal les menaces qu’ils pourraient faire peser sur la sécurité publique. S’agissant de questions d’ordre réglementaire, je souhaite, Madame le Ministre, que vous rappeliez aux services concernés que le bon sens et le discernement doivent inspirer les mesures d’autorisation et de contrôle » .

Néanmoins, l’article 32 du décret n°95-589 du 6 mai 1995, tel que modifié par le décret n°2005-1463 du 23 novembre 2005, est venu préciser que « les personnes morales et physiques participant à la conservation, la connaissance ou l’étude du matériel de guerre pourront être autorisées à acquérir et à détenir les matériels dont l’entrée en service du premier exemplaire du même type a été effectué trente ans au moins avant le dépôt de la demande d’autorisation et dont la fabrication du dernier exemplaire du même type a été arrêtée vingt ans au moins avant la date de dépôt de cette demande ; ainsi que tous les prototypes » .

De plus, depuis, le 12 mai 2006 un arrêté est venu fixer les conditions de neutralisation des systèmes d’armes et armes embarqués des matériels de guerre de 2ème catégorie.

Enfin, après un long combat de la FPVA, la possibilité de déclasser certains de ces matériels pour éviter les contraintes du classement en matériel de guerre en leur conférant un statut de « matériel historique » , qui était à l’étude depuis plusieurs années par les Pouvoirs Publics français [2], s’est concrétisée par l’adoption de la loi n°2012-304 du 6 mars 2012.

En effet, l’article 2 de la loi n°2012-304 du 6 mars 2012 est désormais venu clarifier les choses dans ce domaine (code de la défense, art. L2331-1, L2331-2 et L2336-1 ou code de la sécurité intérieur, art. L311-2 à L311-4 et L312-1 à L312-2). Désormais, la collection d’armes anciennes, de véhicules, de navires, d’aéronefs, de masques à gaz, de matériels de transmission, (…), conçus à l’origine pour les besoins militaires est parfaitement reconnue par les pouvoirs publics.

Ainsi, non seulement les matériels de guerre de la catégorie A2 peuvent être collectionnés sur autorisation préfectorale (matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes à feu, de transmission et de protection contre les gaz de combat vieux de plus de 30 ans dont la production a cessée depuis plus de 20 ans), mais encore, l’acquisition et la détention des armes et matériels historiques et de collection (Tous les matériels de guerre de catégorie A2 dont le modèle est antérieur au 1er janvier 1946 et dont l’armement a été neutralisé ou bien faisant partie des 36 matériels postérieures à cette date mais inscrits sur la liste complémentaire), ainsi que leurs reproductions, sont libres (catégorie D).

En ce sens, l’article L311-3 du Code de la Sécurité Intérieur dispose que « Les armes et matériels de guerre historiques et de collection ainsi que leurs reproductions sont : 5° Les matériels de guerre dont le modèle est antérieur au 1er janvier 1946 et dont la neutralisation est effectivement garantie par l’application de procédés techniques et selon les modalités définis par arrêté de l’autorité ministérielle compétente ; 6° Les matériels de guerre dont le modèle est postérieur au 1er janvier 1946, dont la neutralisation est garantie dans les conditions prévues au 5° et qui sont énumérés dans un arrêté du ministre de la défense compte tenu de leur intérêt culturel, historique ou scientifique », l’article L311-4 du CSI précisant que ces matériels sont classés en catégorie D et l’article L311-2 du CSI ajoutant que la Catégorie D correspond aux armes et matériels de guerre dont l’acquisition et la détention sont libres.

Enfin, l’article L312-2 du CSI dispose que « Un décret en Conseil d’Etat définit les conditions dans lesquelles l’Etat, pour les besoins autres que ceux de la défense nationale et de la sécurité publique, les collectivités territoriales et les organismes d’intérêt général ou à vocation culturelle, historique ou scientifique ainsi que, pour des activités professionnelles ou sportives, des personnes peuvent être autorisés à acquérir et à détenir des matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments de catégorie A. Il fixe également les conditions dans lesquelles des personnes peuvent acquérir et détenir, à des fins de collection, des matériels de guerre. Ces dérogations sont accordées sous réserve des engagements internationaux en vigueur et des exigences de l’ordre et de la sécurité publics » et l’article 312-27 du CSI précise que « Peuvent être autorisés, par le préfet après avis du ministre de la défense lorsqu’il s’agit de matériels de guerre (…) 3° Les organismes d’intérêt général ou à vocation culturelle, historique ou scientifique, qui contribuent à la conservation, à la connaissance ou à l’étude des matériels de guerre, pour les matériels de guerre de la catégorie A2 et les armes des catégories A, B et C ; 4° Les personnes physiques qui contribuent, par la réalisation de collections, à la conservation, à la connaissance ou l’étude des matériels de guerre, pour les matériels de guerre de la catégorie A2 dont les systèmes d’armes et armes embarqués sont neutralisés conformément au 2° de l’article R. 2337-2 du code de la défense ; … », l’article R312-28 du CSI ajoute que « Sauf pour les prototypes, les autorisations d’acquisition et de détention des matériels de guerre de la catégorie A2 mentionnés à l’article R312-27 ne peuvent être accordées aux demandeurs mentionnés aux 2°, 3° et 4° du même article, pour un matériel donné, que si le premier exemplaire du même type a été mis en service trente ans au moins avant la date de dépôt de la demande d’autorisation et si la fabrication du dernier exemplaire du même type a été arrêtée vingt ans au moins avant cette même date ».

Enfin, le droit européen [3] exclu du régime des matériels de guerre ou des produits liés à la défense, les véhicules fabriqués avant 1946 ne comportant pas d’armes à moins qu’elles ne soient plus opérationnelles et qu’elles ne puissent tirer aucun projectile, ainsi que les aéronefs fabriqués avant 1946 ne comportant pas de composants visés par la liste européenne des produits liés à la défense, à moins que ceux-ci ne soient requis pour satisfaire aux normes de sécurité ou de navigabilité, et qui ne comportent pas d’armes visées par la liste des produits liés à la défense, à moins qu’elles ne soient hors service et qu’elles ne puissent redevenir opérationnelles [4].

Par conséquent, ces textes admettent clairement, les trois stades dans la postérité historique d’un matériel : il est tout d’abord un matériel opérationnel, il est ensuite un objet en voie de patrimonialisation qui peut être soumis à un régime spécifique. Il est enfin un matériel purement patrimonial dont l’usage militaire est tout simplement anachronique du fait de son obsolescence.






[1(Rep. Min. Michel Raison n°10078, JORF 31 mars 2003, p. 2522, Rep. Min. Jean-Pierre Abelin n°10767, JORF 31 mars 2003, p. 2523, Rep. Min. http://questions.assemblee-nationale.fr/q12/12-49076QE.htm, JORF 18 janvier 2005, p. 553)

[2Réponse ministérielle à la Question parlementaire n°5332 du député Etienne Mourrut, JO du 18/12/2007, page 8051,

[3Directive 2009/43/CE du Parlement européen et du Conseil (modifiée UE 2017/2054) simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense.

[4Note 4 sous Point ML6 et Note 5 sous Point ML10 de la Directive (UE) 2017/2054 de la Commission du 8 novembre 2017 portant modification de la directive 2009/43/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la liste des produits liés à la défense, C/2017/7353, OJ L 311, 25.11.2017, p. 1–37,

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