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Figuration antique : armes et porteurs (I)

Analyse historique des reliefs militaires romains impériaux

lundi 5 janvier 2015, par Hadrien NEUMAYER



Une identification difficile

Il n’est pas nécessaire d’être spécialiste de l’armement ou de l’iconographie antique pour remarquer à quel point l’identification de certaines armes gravées sur les stèles militaires est complexe. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les IIème et IIIème siècles, en effet, c’est à cette période que s’imposent progressivement de nouveaux équipements offensifs et défensifs ainsi que de nouvelles formes d’armes traditionnelles.

Est-ce que, comme le dit si bien M. Feugère [1] à propos des reliefs officiels, la stèle, le plus souvent funéraire, « est avant tout pour son concepteur antique, le support d’un message qui devra être immédiatement intelligible au destinataire » ?

Je pense qu’il est fort probable que ce soit le cas dans bien des stèles, toutefois, il ne faudrait pas présenter la représentation iconographique du IIIème siècle comme normativement simpliste. J’en veux pour preuve les nombreuses gravures soignées et détaillées que l’on peut trouver dans tous les azimuts de l’Empire romain .

Malgré cela, il est souvent difficile de distinguer tel ou tel équipement.

Les bâtons

S’il est bien une identification complexe, c’est sans aucun doute celle des ’’ bâtons ’’, si l’on prend en compte la fréquente simplification que nous venons d’évoquer, il est difficile de distinguer un bâton d’un autre bâton. Toutefois, quelques indices peuvent amener à simplifier ladite identification.
On trouve sur quelques-unes de nos stèles un bâton court et fin, comme il en serait d’une simple baguette que l’on nomme fustis. L’étude de référence en ce qui concerne cet instrument nous vient de Michael P. Speidel [2], lequel donne une interprétation novatrice et rigoureuse du fustis, et qui m’a apporté la conviction qu’il faudrait faire entrer les bâtons, courts ou longs, ou tout du moins le fustis, dans la catégorie pourtant très fermée des armes offensives.

A ce titre, il nous permet une identification du porteur, laquelle peut-être plus complexe. En effet, le fustis était souvent analysé comme étant un marqueur du statut de centurion, alors que selon l’avis de Speidel, qui me semble correct, il s’agit en réalité d’un bâton utilisé par les vigiles lors des interventions de ’’police’’ et de maintien de l’ordre. De même, il peut s’agir de la marque de présence d’un bénéficiaire (benificiarius), Speidel proposant la possibilité d’un usage lors de la perception d’impôts.

S’il n’est pas le seul bâton présent sur les stèles, le fustis est le meilleur exemple de la diversité de cette catégorie et de l’utilité des objets gravés sur la pierre pour l’identification et l’analyse complète de l’iconographie.

Les épées

L’arme la plus commune au sein des collections d’armes antiques est ce qu’on peut communément appeler l’épée. L’utilisation de ce terme n’est pas anodine ; en effet, l’identification et la différenciation de ces épées sont fort complexes, et de nombreux corpus et publications ne se risquent pas à user de termes tranchés quand ils ont à faire à ce type d’armement. On trouve dans la plupart des corpus récents les termes ‘’épée’’, ‘’sword’’ou ‘’schwert’’, ces deux derniers étant les équivalents anglais et allemand du premier.

Une chose est certaine ; on ne peut assister à un surdimensionnement du poignard, arme prisée de l’époque Républicaine jusqu’au IIème siècle après J.-C., lequel marque progressivement sa disparition complète de l’iconographie et quasi-complète dans les restes archéologiques. Les spécimens restants sont le glaive, universellement adopté par les troupes romaines et les auxiliaires, et la spatha, qui commence à être adoptée dès la seconde moitié du IIème siècle après J.-C..

Les caractéristiques archéologiques de ces derniers sont suffisantes pour en différencier deux exemplaires découverts en contexte archéologique. Le glaive, bien que les formes de sa fusée et de sa garde aient évoluées au cours de son histoire, mesure environ 90 cm de long, possède une lame droite et épaisse à deux tranchants. Cette arme est bien connue pour être destinée aux coups d’estoc, lesquels tuent plus souvent que les coups de tranche. Malgré cela, la spatha, elle, est utilisée bien plus souvent en tranche qu’en estoc. Elle possède une lame plus fine et plus longue, ce qui est permit par la torsion puis le martelage, (le damassage), lequel, par un empilage de couches d’acier de duretés différentes, épaisses de quelques microns à peine, devient plus résistant. Cette technique provenant probablement d’Orient, était aussi utilisée par les populations celtes et germaines, qui ont certainement introduit ce nouveau tour de main dans les fabricae des camps légionnaires puis par extension dans les fabricae impériales du IVème siècle après J.-C..

Toutefois, s’il est relativement aisé de distinguer deux armes de ces types sur le plan archéologique, il est très difficile de le faire sur le plan iconographique. La plupart des épées gravées vont, en longueur, de la poitrine au bas du genou des soldats qui les portent, soit environ 90 cm, ce qui nous amènerait à penser que toutes les armes ainsi représentées seraient des glaives. Toutefois, il serait hasardeux de se lancer dans un tel postulat ; en effet, la simplification pourrait amener les lapicides à ne pas différencier sur la pierre des armes qui le sont en réalité. De plus, ni les décorations parfois présentes sur les fourreaux, ni les lames qui ne sont le plus souvent pas représentées dans leur totalité, excluant une identification par la lame, ne permettent d’apporter plus de preuves quant à l’appartenance de l’arme gravée à l’une ou à l’autre des catégories.

Les variations de l’armement défensif

Il est un problème qui n’en a pas l’air, celui qui concerne l’armement défensif.

Le bouclier tout d’abord, est victime d’une confusion typologique marquée.
L’imaginaire collectif, entretenu par les romains antiques eux-mêmes et en particulier par le plus célèbre relief militaire, la Colonne Trajane, est marqué par des boucliers longs, parfaitement rectangulaires. Or, cette forme ne se retrouve dans aucune des stèles du IIIème siècle, et est particulièrement rare en contexte archéologique . Au contraire, c’est le bouclier ovale à umbo qui domine largement nos représentations, et, dans une moindre proportion, quelques boucliers rectangulaires aux pointes arrondies. Je me range encore une fois volontiers derrière l’hypothèse de Michel Feugère, lequel explique que si le bouclier rectangulaire s’est maintenu de la fin de la République jusqu’à l’antiquité tardive, il ne concernait que quelques corps de troupes, spécialisés dans des tactiques défensives nécessitant une complète étanchéité de la protection (formation de la tortue ?).

Toujours en matière d’armement défensif, il me semble important de clarifier un tant soit peu la situation des armures au IIIème siècle. De fait, on remarque sur bien des stèles une disparition des figurations d’armures au profit de tuniques et de sagum. Cela peut s’expliquer de deux manières ; premièrement, le soldat qui fait graver son épitaphe est bien souvent revenu à la vie civile entre-temps, et de ce fait, accentue ce fait dans la représentation figurée. Secondement, on trouve de moins en moins de détails concernant l’équipement sur les stèles du IIIème siècle, et ce dans le but de privilégier l’individu . Il existe au IIIème siècle trois types d’armures, l’armure segmentée, l’armure à écailles et l’armure à mailles et comme Feugère et Coulston le rappellent à juste titre, en aucun cas il n’existe d’armures de cuir.

Il existe un dernier exemple, à savoir le cas du casque. Je renvoie mon lecteur à l’étude très complète de M. Feugère [3] sur ce point.
L’identification des casques gravés sur pierre est délicate, il suffit de contempler les nombreuses rectifications dont sont victimes les identifications des grands corpus [4] pour s’en persuader.
Ainsi, mes propres identifications sont sujettes à discussion et je n’ai pas le moindre doute quant aux nombreuses corrections dont elles seront l’objet ; toutefois, il est utile de remarquer une chose : l’identification des casques est, plus que l’identification de n’importe quel autre équipement, utile à la datation des pièces.
On retrouve selon moi trois types de casques entre le IIème et le IVème siècle ; le type Weisenau (fig.1), le type Niedermörmter (fig.2) et les types appartenant à la famille des Spangenhelme (fig.3).

Cette identification, si tant est qu’elle soit correcte, nous permettrait deux analyses. Premièrement, on assiste au maintien au IIIème siècle du type Weisenau que l’on trouve normalement d’avantage aux Ier et IIème siècles après J.-C. De fait, soit on trouvait encore des casques de ce type dans les armées romaines, ce qui est peu probable si l’on en croit les restes archéologiques, soit, ce qui est d’avantage vraisemblable, les lapicides se tiennent à la représentation de certains types antérieurs, sans doute à cause de la valeur symbolique que ces types, connus de tous, avaient.
Par la suite, on peut remarquer que le type Niedermörmter est représenté au IIIème siècle, ce qui permet de confirmer que les casques de ce type sont effectivement attestés au IIIème, du moins dans l’iconographie. Figure 3
En extrapolant ce raisonnement, il n’est pas absurde de penser qu’on puisse dater les découvertes archéologiques de types Niedermörmter du IIIème en se basant sur les bas-reliefs de la même époque, ce qui éliminerait les doutes de certains chercheurs quant au fait que le type Niedermörmter soit bien une variante tardive du type de Weisenau.

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Voir aussi :






[1Feugère 1993, p.39

[2Speidel, 1993

[3Les armes des romains, 1993

[4y compris le CIL !

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