Cours suprême des USA

Le Deuxième Amendement protège un droit préexistant, privé et individuel

vendredi 8 août 2008, par l’IFAL

Le 26 juin, 2008, par cinq voix contre quatre, les neuf gardiens de la Constitution américaine ont répondu :
« Le deuxième amendement protège un droit préexistant, privé et individuel, de détenir et porter des armes sans rapport avec le service militaire, et le droit d’en faire usage dans un but légal, comme pour sa propre défense »

« Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un Etat libre, le droit qu’a le Peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé. »

Les points clés de la décision de la Cour Suprême des Etats-Unis.

Cette décision claire met fin au débat soulevé par les anti-armes qui prétendaient que le 2ème amendement ne garantissait qu’un droit « collectif » de détenir des armes dans le cadre d’un organisme étatique.
Si cette fable avait prévalu l’Etat fédéral ou n’importe quelle collectivité pouvaient légiférer pour empêcher sous un quelconque prétexte futile la détention de tout type d’arme par le Peuple !
Mais cette décision affirme non seulement qu’il n’est pas possible de supprimer ou de limiter drastiquement l’accès aux armes au Peuple, mais garantit que l’Etat, qu’il soit fédéral ou fédéré, n’a pas le monopole de la violence légitime !

Dans l’espèce, il s’agissait de vérifier si la prohibition de fait des armes de poing dans le district de Washington était constitutionnelle. Le plaignant, Dick Anthony Heller, 66 ans, un garde de sécurité armé dans son travail, revendiquait le droit de conserver son pistolet chez lui prêt à servir, aux fins de légitime défense.
Depuis 1976, le district de Columbia, siège de la capitale fédérale, bannit de facto la possession d’armes à feu en empêchant leur enregistrement, et les armes de poing achetées avant 1976 devant être munies d’un verrou.

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Signature de la Constitution américaine de 1787

Les fusils de chasse lisses ou rayés doivent être démontés au domicile et lors de leurs transports.
En 2007, malgré sa législation, Washington est restée parmi les villes les plus criminogènes, avec 181 homicides par armes à feu, presque autant que la France pour une ville d’environ 500 000 habitants !

La décision a déclaré non constitutionnels, pour violation du Deuxième Amendement, le « ban » du District sur les armes de poing et l’exigence de conserver n’importe quelle arme à feu de manière non opérationnelle d’une part et d’autre part a interdit au District de nier de façon « arbitraire et capricieuse » au plaignant Dick Heller un permis pour porter une arme à feu.

La Cour s’est livrée à une véritable explication du texte.

- Sur le Sens de « Droit du Peuple » :
La Constitution et le Bill of Rights par « droit du Peuple » se réfèrent de façon non ambiguë aux droits individuels, pas à des droits « collectifs », ou à des droits qui peuvent être seulement exercés par la participation à quelques corps ou corporations. Le terme se réfère sans équivoque à tous les membres de la communauté, pas à un sous-ensemble particulier.

Il est évident que les droits énoncés par le Bill of Rights anglo-saxon ou nos déclarations des droits de l’Homme et du Citoyen sont des droits individuels et la notion ainsi définie de la communauté correspond à la conception française de la Nation.

- Sur le Sens des “Armes » :
Le terme a été appliqué, en 1791 comme maintenant, aux armes, même celles qui n’ont pas été conçues en particulier pour l’usage militaire et n’ont pas été employées dans un but militaire. . .
« Tout comme le Premier Amendement protège des formes modernes de communications et le Quatrième Amendement s’applique aux formes modernes de recherche, le Deuxième Amendement s’étend, à tous instruments qui constituent les armes portatives, même si elles n’existaient pas alors. »

Cette précision tord le cou à de nombreuses fadaises hoplophobes [1] et définit clairement les armes protégées par le Second Amendement. Ce droit individuel protège toutes les armes individuelles quelles aient été conçues pour un usage militaire ou non.

Il faut rapprocher cette opinion de la tradition républicaine française, déjà clairement énoncée par le Législateur en 1792, un an après le Bill of Rights : « tous les citoyens doivent être pourvus d’armes de guerre, afin de repousser avec autant de facilité que de promptitude les attaques des ennemis intérieurs et extérieurs de leur constitution ».
Il faut cependant noter que les « constructivistes » [2] français dénient en France la détention d’armes de guerre et leurs homologues d’outre-atlantique voulaient limiter le droit aux armes aux seules armes militaires et encore dans le cadre d’une force étatique.

- Sur le Sens de « Porter des Armes » :
Neuf Constitutions d’états de la fédération écrites au XVIIIème siècle ou dans les deux premières décennies du XIXème, entérinent un droit des citoyens à « Porter les Armes pour sa propre défense et celle de l’état ». Ni la constitution fédérale, ni celles des états fédérés ne mentionnent l’appartenance à une organisation militaire structurée.

Le droit à la légitime défense des personnes et des biens est un Droit Constitutionnel aux USA, où il est explicitement mentionné dans plusieurs Constitutions d’état et en France où les quatre « droits naturels et imprescriptibles » la Liberté, la Propriété, la Sûreté et la Résistance à l’Oppression l’imposent. Le Code Pénal dans ses articles 122-5 et suivants le légalise.

- Sur le Sens de la locution “Posséder et Porter des Armes » :
Cette locution garantit le droit individuel de posséder et porter des armes. Ce sens est confirmé avec force par le contexte historique du Deuxième Amendement. Il a toujours été largement admis que le Deuxième Amendement, comme les Premier et Quatrième Amendements, codifiait un droit préexistant. Le texte du Deuxième Amendement reconnaît implicitement la préexistence du droit et dispose seulement qu’il « ne sera pas transgressé ». Ce n’est pas un droit accordé par la Constitution et il est indépendant de celle-ci pour son existence.
Le Deuxième Amendement déclare seulement qu’« il ne sera pas transgressé ».

La position de la Cour Suprême rejoint celle que nos propres Constituants ont affirmée avec force et à plusieurs reprises lors de la rédaction de notre Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui est toujours le Préambule de notre Constitution. Ce droit a été expressément décrit comme « un principe supérieur et intangible, qui s’impose non seulement aux autorités d’un Etat déterminé, mais aux autorités de tous les Etats ».

Il a été également reconnu que : « Tout citoyen a le droit d’avoir chez lui des armes, et de s’en servir ».

Et enfin conclu que ce droit n’a pas été explicitement écrit car « évident de sa nature, et l’un des principaux garants de la liberté politique et civile que nulle autre institution ne peut le suppléer ».

- Sur le Sens de « Milice Bien Organisée » :
Le terme de Milice a compris toutes personnes physiquement capables d’agir de concert pour la défense commune. Cette définition est plus large que la conception plus étroite qui prétendrait qu’il ne s’agit que des milices d’état et des forces militaires. Ces organisations ne peuvent consister qu’en un sous-ensemble de ces personnes armées.
Finalement, le qualificatif « bien organisée » ne suggère rien plus que de la discipline et de l’entraînement.

Il est évident que cette conception du Peuple en armes n’est pas une spécificité « états-unienne », elle est un principe fondateur de notre République et de toute démocratie. Le nier conduirait immanquablement à une rupture du Contrat Social.
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Déclaration des droits de l’homme de 1789


- Sur le Sens de « Sécurité d’un Etat Libre » :
« La sécurité d’un état libre » signifie la sécurité d’un gouvernement libre, pas la sécurité d’un ou plusieurs Etats. Le mot « Etat » est utilisé dans sens le plus large, il signifie l’ensemble des personnes qui composent une nation ou une communauté particulière.

- Sur le Rapport entre « Milice » et la Proposition « Détenir et Porter » :
La Cour a rappelé que « L’ histoire a montré que les tyrans avaient éliminé la milice constituée de tous les hommes physiquement aptes non pas en interdisant la milice mais simplement en enlevant au Peuple les armes et ont utilisé la milice ou l’armée d’Etat pour éliminer des adversaires politiques. Ceci est arrivé en Angleterre et a incité la codification du droit d’avoir des armes dans le Bill of Rights anglais. Il est donc parfaitement raisonnable que le Deuxième Amendement l’ait également codifié dans le but d’empêcher l’élimination de la milice ». Cette raison est certainement même plus importante que la légitime défense et le droit de chasser. Le Deuxième Amendement est donc avant tout une garantie contre la menace d’une oppression des citoyens par un nouveau Gouvernement Fédéral qui leur enlèverait leurs armes et pour cette raison, ce droit a été inscrit dans la Constitution.

Le Second Amendement est dont le pendant de notre « Résistance à l’Oppression » et la Cour Suprême américaine est en parfait accord avec nos Constituants qui ont déclaré :

« qu’il est impossible d’imaginer une aristocratie plus terrible que celle qui s’établirait dans un État, par cela seul qu’une partie des citoyens serait armée et que l’autre ne le serait pas ; que tous les raisonnements contraires sont de futiles sophismes démentis par les faits, puisque aucun pays n’est plus paisible et n’offre une meilleure police que ceux où la nation est armée ».

La Cour a cependant admis des restrictions possibles au Deuxième Amendement.
Ainsi elle estime constitutionnelles les prohibitions sur la possession d’armes à feu par « felons » [3] et les malades mentaux, ou les lois qui défendent de porter des armes à feu dans les endroits sensibles tel que les bâtiments publics gouvernementaux ou les établissements scolaires, ou les lois fixant des conditions et des qualifications pour la vente commerciale d’armes. Elle reconnaît reprenant sa jurisprudence de 1939 (US vs Miller) [4] une autre limitation importante sur le droit pour détenir et porter des armes concernant « les armes dangereuses et insolites ».

Conclusion

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La décision de la cours suprême américaine, était très attendu des posesseurs d’armes

Si le Bill of Rights est entré en vigueur le 15 décembre 1791, il a été rédigé la même année que notre Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et nombre de rédacteurs ont participé à l’élaboration des deux texte.
Il semble donc aussi futile de prétendre que leurs dispositions ne concernent pas des droits individuels que de nier qu’il existe un droit naturel à détenir et porter des armes. Ce droit que la Cour Suprême des Etats-Unis a qualifié en 2008 de préexistant à la Constitution même, nos Constituants l’avaient déclaré « supérieur et intangible, qui s’impose non seulement aux autorités d’un Etat déterminé, mais aux autorités de tous les Etats ».
Il est seulement regrettable que dans une confiance aveugle aux fonctionnements de la République, garante de la Démocratie, ils n’aient pas jugé bon de l’inscrire explicitement au motif que ce droit est « évident de sa nature, et l’un des principaux garants de la liberté politique et civile que nulle autre institution ne peut le suppléer ».
Il faut reconnaître à leur décharge qu’Alexis de Tocqueville n’a défini la « dictature douce » qu’un demi-siècle plus tard.
Mais comme nos Constituants de 1789, les juges de la Cour Suprême américaine ont bien souligné que le droit de détenir et de porter des armes est :
- Préexistant à la Constitution, donc « évident de sa nature » et en ce sens n’a pas besoin d’être écrit pour s’imposer à tous, aux particuliers comme aux gouvernements.
-  « Un des principaux garants de la liberté politique et civile que nulle autre institution ne peut le suppléer », les forces de l’ordre étatiques n’étant qu’un sous-ensemble du Peuple en armes.
- Indispensable à la Résistance à l’Oppression : et là réside le principal fondement du droit de détenir et de porter des armes. C’est l’avis des juges de la Cour Suprême aujourd’hui comme celui de nos Constituants en 1789 pour qui « il est impossible d’imaginer une aristocratie plus terrible que celle qui s’établirait dans un État, par cela seul qu’une partie des citoyens serait armée et que l’autre ne le serait pas ; que tous les raisonnements contraires sont de futiles sophismes démentis par les faits, puisque aucun pays n’est plus paisible et n’offre une meilleure police que ceux où la nation est armée ». [5]

Aucun Etat ne peut donc revendiquer le monopole de la violence légitime.


[1hoplophobes : ceux qui haïssent et ont peur des armes.

[2Constructivistes : ceux qui pensent que les droits collectifs priment sur les droit individuels. Les deux grandes dictatures du XXème furent d’essence constructivistes.

[3Le terme de « felon » désigne, aux Etats-Unis, une catégorie de grands criminels.

[4L’arrêt Miller (1939) : La Cour Suprême a admis qu’il fallait une licence particulière pour détenir certaines « armes dangereuses et insolites », notamment les fusils de chasse lisse à canons sciés.

[5Assemblée nationale, séance du mardi 18 août, Gazette nationale ou le Moniteur universel, n° 42, 18 août 1789, p. 351.