L’évolution des uniformes

lundi 4 septembre 2017

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Soldat Romain du 1er siècle.

Dès l’origine, chaque nation a souhaité pouvoir distinguer son armée des armées ennemies et les militaires des civils. Il s’agissait en effet de ne pas être confondus avec ces derniers tout en marquant clairement son état de gens d’armes. Le but de l’uniforme est donc multiple distinguer les troupes régulières, des civils en armes (partisans ou francs-tireurs) et à fortiori des troupes ennemies ; mais aussi ésoudre le problème majeur de la désertion en rendant caduque toute tentative de se dissimuler.

Les uniformes militaires apparaissent lors de périodes historiques correspondant à la constitution de pouvoirs forts. Ainsi, pendant l’Antiquité, la plupart des grandes civilisations ayant peuplé le bassin méditerranéen (Egyptiens, Sumériens, Grecques, Perses, Romains) disposaient de forces armées organisées selon des schèmes très similaires à ceux d’aujourd’hui : engagement volontaire et/ou service militaire obligatoire de durée variable, discipline, hiérarchie, paiement d’une solde régulière, constitution d’unités de taille variable imbriquées les unes dans les autres (centurie, manipule, cohorte, légion dans le cas de l’infanterie régulière romaine par exemple), organisation par arme (infanterie lourde et légère, cavalerie, marine), usage d’armes de siège pouvant être considérées comme les ancêtres de l’artillerie moderne (en particulier chez les Romains : catapultes, trébuchets, balistes).

C’est au sein de ces forces armées que sont apparus les premiers uniformes, dont les archétypes sont ceux des légions romaines, qui par leurs caractéristiques indéniablement fonctionnelles se rapprochent de ceux des armées modernes et qui n’ont cessé de se perfectionner sous la République et pendant la période faste de l’Empire. En effet, le pilum (javelot) qui équipait les légionnaires était dans sa catégorie l’arme la plus efficace de l’époque, et la célèbre lorica segmentata (cuirasse segmentée) - doublée du casque (cassis) qui protégeait à la fois non seulement le crâne mais aussi la nuque et les oreilles ainsi que du bouclier rectangulaire incurvé - l’armure qui alliait sans doute le mieux protection, confort et légèreté. Si on y ajoute le reste de son équipement (sandales cloutées, glaive, etc.), le légionnaire romain a été sans doute le soldat le mieux doté de toute l’Antiquité.

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Chevalier Franc Mérovingien du Vème siècle.

Durant le Bas Moyen-Age, l’équipement était rudimentaire. Certes des signes distinctifs étaient utilisés sur le champ de bataille. Toutefois, cela allait rarement au-delà de l’usage de peintures de couleurs vives dans les tissus et de motifs peints sur les boucliers ou brodés sur les surcôts, représentant le plus souvent les blasons des seigneurs en guerre, les vassaux arborant les insignes de leur suzerain, en signe d’allégeance.
Au haut Moyen-Age, le costume militaire avait comme fonction principale de protéger les hommes et les chevaux. Le costume se composait : d’un casque, d’une côte de mailles, d’une armure, d’un écu, le tout accompagné d’une épée, d’une dague, casse tête, massue, hache, …. Ce n’est qu’à la fin de la période médiévale qu’apparaissent des vêtements standardisés conçus pour des campagnes particulières.
L’uniforme militaire à proprement parlé n’apparaît qu’au XVIIème siècle en Europe. Plus précisément c’est en 1632, au cours de la guerre de Trente Ans, que, pour des raisons pratiques de reconnaissance tactique, le roi de Suède, Gustave-Adolphe, eut l’idée de doter ses unités d’une couleur distinctive afin de mieux les repérer sur le champ de bataille : ainsi naquirent les régiments bleus, jaunes et verts. Cette initiative scandinave fut suivie par le britannique Cromwell, lors de la Première Révolution anglaise, qui l’opposa aux troupes royales. Il créa, en 1645, la New Model Army, composée de soldats vêtus uniformément en rouge et régulièrement soldés, ce qui présentait une double rareté à l’époque.

En ce qui concerne la France il fallut attendre les années 1660 pour voir s’imposer le port d’une tenue uniforme avec le Gris puis le Blanc qui constituent alors la couleur de l’infanterie. Parallèlement, le rouge et le bleu sont le domaine réservé de la Maison royale et de certains régiments étrangers ; ce furent les ordonnances de Louvois de 1670 et 1690 qui imposèrent l’uniforme, préconisant l’habit blanc-gris avec parements rouges, veste ou gilet et culotte bleues, rouges ou blanches, les trois couleurs des Bourbons et comme coiffure, le lampion ou tricorne en feutre noir.

C’est au début du XIXe siècle, lors des guerres du Premier Empire, que l’uniforme trouva son apogé dans la plupart des armées européennes. L’uniforme connut alors un constant développement, tant dans la variété des coupes et des styles, que dans celle des tissus et autres ornements en cherchant à produire les tenues les plus éclatantes possibles. Tant que le recrutement de l’armée fut fondé sur le principe du volontariat, il fallait céder au goût instinctif de l’individu pour le clinquant et le chamarré. Avec l’arrivée du service militaire obligatoire, la commodité et l’hygiène ont eu tendance à prévaloir ; la nécessité d’échapper le plus possible aux vues de l’ennemi amena les autorités à revoir leur point de vue sur les modalités pratiques de l’uniforme.

L’expèrience de la guerre des boers ayant montré la nécessité d’une tenue camouflée, les britanniques adoptèrent dès 1900 la couleur kaki pour l’uniforme de leur armée de terre. Les allemands et les autrichiens suivirent en 1907 avec la couleur feldgrau. Ainsi la France fût le seul pays en 1914 à partir en guerre sans tenue adaptée à la guerre moderne. On reste pourtant étonné d’apprendre qu’en France il y eut plus d’essais de tenues de couleurs ternes que partout ailleurs. On sentait bien que le rouge garance était trop visible. Toutefois, les tenues d’essai furent l’objet de vives critiques qui les firent abandonner les unes aprés les autres, et c’est vraisemblablement cette recherche du mieux qui a conduit à la conservation de la tenue traditionnelle jusqu’en 1914. L’uniforme « bleu horizon » est décrit par la notice du 9 décembre 1914. Le pantalon rouge est abandonné car il était trop voyant, faisant du troupier une cible idéale, mais aussi parce que la teinture utilisée pour le fabriquer était l’alizarine synthétique importée d’Allemagne3. Il faudra attendre la fin 1915 pour que les uniformes changent de teinte pour le bleu horizon grâce à l’indigo synthétique fourni par les Britanniques.

Au début de la seconde guerre mondiale en 1939 les tenues françaises étaient des tenues héritées du « modèle » 1916 ; seule la teinte avait changé, le kaki ayant remplacé le bleu horizon : la coupe des vêtements, la forme et modèle du casque étaient similaires au modèle de la fin du premier conflit. Avec la défaite de mai-jun 1940, les forces Françaises Libres furent largement équipées avec des uniformes américains
Le standard américain est largement copié de par le monde après la guerre, notamment par les armées des États membres de l’OTAN, à l’image de la France qui a arboré un uniforme similaire pendant les guerres de décolonisation en Indochine et en Algérie. La plupart des pays l’ayant adopté utilisèrent des variations de cette tenue jusqu’à la fin des années 1970 - début des années 1980, période où la découverte du kevlar permit d’équiper les troupes avec des casques à la fois plus protecteurs et plus légers, ainsi qu’avec des gilets pare-balles.

Dans l’armée française, la tenue dite « léopard » fut adoptée par les troupes aéroportées vers la fin de la guerre d’Indochine et utilisée durant toute la guerre d’Algérie.

Depuis le début des années 1990, les troupes de l’Armée de terre portent la tenue dite « bariolée » avec un camouflage à base de taches de couleurs sombres. Celle-ci se décline en une version « désert » utilisée à partir de la guerre du Golfe en 1990.